Le streaming est devenu le principal mode de consommation de musique dans le monde. Grâce à la révolution digitale, le secteur de la musique vaut aujourd’hui davantage qu’à l’époque où les vinyles et les CD dominaient le marché. En Belgique, les revenus des plateformes de streaming ont dépassé les 100 millions d'euros en 2023. Une bonne nouvelle donc pour les ayants droit de nos chansons préférées ? Malheureusement pas pour toutes les parties impliquées.
L’interprétation vaut plus que la création
Les auteurs, compositeurs et éditeurs gagnent peu sur la consommation de leurs œuvres musicales via les plateformes de streaming. Cela est lié à la répartition inéquitable des revenus qui en découlent. Spotify a versé environ $ 8,3 milliards aux labels et aux musiciens en 2023. En revanche, les auteurs, compositeurs et éditeurs n'ont reçu que $ 4 milliards de la part du service de streaming au cours des deux dernières années
« L'interprétation d'une chanson vaut-elle donc plus que sa création ? »
Steven Desloovere, Responsable Musique au sein de la société des auteurs Sabam, précise : « Les plateformes de streaming conservent environ 30 % de ces revenus pour elles-mêmes. En outre, il existe un déséquilibre flagrant entre la part qui revient aux artistes et aux labels et celle qui revient aux auteurs et aux compositeurs.» Ainsi, les artistes et les labels reçoivent 55 % des revenus, alors que 15 % seulement reviennent aux auteurs et aux compositeurs d'une chanson.
« L'interprétation d'une chanson vaut-elle donc plus que sa création ? » s'interroge Steven Desloovere.
Perte de valeur
Nous ne pouvons pas nier que l'essor des services de streaming et la révolution digitale ont provoqué une perte de valeur massive des œuvres créatives. « Autrefois, nous payions 20 euros pour un album contenant 10 à 20 titres. Aujourd'hui, pour ce prix, vous pouvez vous abonner à un service de streaming pendant deux mois et avoir accès instantanément à des millions de titres. » ajoute Steven Desloovere. Il n'est donc pas surprenant que les auteurs et les compositeurs ne reçoivent pas une juste rémunération pour l'utilisation de leurs créations par ce biais.
« En réalité, seulement quelques auteurs-compositeurs peuvent vivre de leurs revenus en ligne. »
Sur les 17.819 auteurs auxquels la Sabam a pu distribuer une rémunération l'année dernière pour l'utilisation en ligne de leurs œuvres musicales, seuls 862 ont reçu plus de 1.000 euros. « En réalité, seulement quelques auteurs-compositeurs peuvent vivre de leurs revenus en ligne. », affirme Steven Desloovere.
Consommer davantage localement
À l'échelle mondiale, le streaming musical représente aujourd'hui un tiers des revenus issus des droits d'auteur. Pour l'Europe, cette part tombe à environ un quart. Cependant, le rapport annuel de la Sabam montre que pour la Belgique, cette part n’était que de 11 % en 2023. Cela signifie que nous faisons nettement moins bien que nos voisins. La cause ? La situation spécifique du marché belge du streaming musical. Il est petit et fragmenté par la présence de trois cultures différentes sur un petit territoire.
« Les abonnements gratuits rapportent aux auteurs et compositeurs 10 fois moins de revenus qu'une version payante. »
Mais c'est surtout notre propre manière de consommer qui a un impact majeur. Ainsi, seul un Belge sur dix est abonné à un service de streaming. En France, c’est trois habitants sur dix, et aux Pays-Bas, c'est même quatre sur dix. De plus, les Belges optent plus souvent pour un abonnement gratuit. Le nombre d'abonnés payants est jusqu'à 30 % inférieur à celui des pays voisins. « L'impact économique de cette situation est énorme. Les abonnements gratuits rapportent aux auteurs et compositeurs 10 fois moins de revenus qu'une version payante. » explique Steven Desloovere.
Par ailleurs, les Belges consomment peu de musique locale. Cela est également préjudiciable pour nos auteurs et compositeurs. Plus nous consommons de musique étrangère, plus l'argent va vers les auteurs d'autres pays. « En 2023, 34 % de la musique streamée était belge. Malheureusement, nous observons une tendance à la baisse, car ce chiffre était de 38 % en 2022. », conclut Steven Desloovere.
Un investissement continu pour la meilleure et la plus rapide des rémunérations
Malgré cette situation complexe, la société d'auteurs est fière de pouvoir offrir à ses membres la meilleure rémunération pour la consommation en ligne de leurs créations. La Sabam facture cette rémunération auprès de 205 plateformes (inter)nationales de streaming, de téléchargement et de VOD dans pas moins de 245 territoires à travers le monde. Cela lui confère un avantage considérable par rapport aux sociétés d'auteurs d'autres pays.
La Sabam continue également d'investir dans la modernisation de ses propres systèmes afin d'offrir à ses auteurs non seulement la meilleure rémunération, mais aussi la plus rapide. Cela lui permet de verser la rémunération en ligne de ses auteurs sur une base mensuelle.
En 2023, la Sabam a distribué 12,6 millions d'euros de droits en ligne aux auteurs, compositeurs et éditeurs.