Une étude mondiale confirme la baisse des revenus des créateurs face à l’essor de l’IA
décembre 3, 2024

L’intelligence artificielle (IA) générative enrichit les multinationales du secteur de la technologie, tandis que les revenus des créateurs risquent de diminuer considérablement dans les cinq prochaines années. C'est ce que révèle une étude mondiale menée par PMP Strategy sur l'impact économique de l'IA dans les secteurs de la musique et de l'audiovisuel. Cette étude a été réalisée à la demande de la CISAC, la confédération internationale des sociétés de droits d’auteur. C'est pourquoi la Sabam, société de gestion des droits d'auteur, appelle les décideurs politiques à veiller à l’équité du partage des revenus issus d’un marché numérique en pleine croissance.

 

Les entreprises technologiques profitent, les créateurs en paient le prix

Bien que les auteurs de textes, compositeurs, réalisateurs et scénaristes soient le moteur créatif derrière le développement de l’IA, ils risquent de perdre une part importante de leurs revenus. Selon l’étude, d’ici 2028, 24 % des revenus des droits musicaux et 21 % des droits audiovisuels pourraient disparaître, soit une perte cumulée de 22 milliards d’euros (10 milliards pour la musique et 12 milliards pour l’audiovisuel).

Le marché de la musique et du contenu audiovisuel générés par l’IA connaît une croissance exponentielle : selon les chercheurs, sa valeur actuelle de 3 milliards d’euros atteindra 64 milliards d’euros en 2028. Cette croissance se fait toutefois au détriment des sources traditionnelles de revenus des créateurs, leurs œuvres étant remplacées par du contenu généré par IA sur les plateformes de partage, de télédiffusion et de streaming.

Les entreprises d’IA, qui utilisent des œuvres protégées sans autorisation pour entraîner leurs modèles, verront leurs revenus exploser. D’ici 2028, leurs chiffres d’affaires atteindront 4 milliards d’euros dans le secteur musical (contre 0,1 milliard en 2023) et 5 milliards d’euros pour l’audiovisuel (contre 0,2 milliard en 2023). Les créateurs assistent à l’érosion de la valeur économique de leurs œuvres, détournée par des entreprises qui, pire encore, ne soutiennent pas la création artistique.

Les revenus provenant des plateformes en ligne sont particulièrement impactés par l’IA. D’ici 2028, la musique générée par l’IA devrait représenter environ 30 % des revenus issus des plateformes de streaming, de partage et des réseaux sociaux.
 

 

 

Les métiers comme les traducteurs, doubleurs et sous-titreurs sont particulièrement touchés, avec une perte estimée à 56 % de leurs revenus. Les scénaristes et réalisateurs, de leur côté, subissent respectivement des pertes de 20 et 15 %.

 

 

En conclusion, le rapport souligne « qu’en absence de changement du cadre réglementaire, les créateurs endureront des pertes sur deux fronts : une perte de revenus due à l’utilisation non autorisée de leurs œuvres par les modèles d’IA générative sans aucune forme de rémunération et le remplacement de leurs sources traditionnelles de revenus dû à l’effet de substitution des produits générés par l’IA, qui viendront concurrencer les œuvres des créateurs humains. »

 

Un marché numérique mondial en forte croissance, mais des revenus d’auteurs fragilisés sur de multiples fronts

La Sabam souligne une autre tendance préoccupante : la digitalisation croissante de l’économie culturelle qui laisse les créateurs à l’écart. Outre l’arrivée massive de contenus générés par l’IA qui bouleverse les équilibres, leurs revenus sont fragilisés sur de multiples fronts : l’abandon progressif des services traditionnels, comme la télévision linéaire (cordcutting), et le recours généralisé aux rachats de droits (buy-out) par les plateformes de streaming aggravent leur précarité. Enfin, la baisse des revenus issus des canaux de distribution locaux et traditionnels au profit de plateformes non-linéaires et globales fragilise encore davantage leur situation économique.

 

«D'après une estimation basée sur nos chiffres le revenu moyen d’un auteur musical issus de la vente physique (CD et vinyle) et du streaming est de 115 € par mois. Ce montant est resté inchangé depuis 2012, malgré une croissance du marché de près de 30 % ! » explique Steven De Keyser, CEO de la Sabam.

 

Cette tendance ne se limite pas à la musique. Les œuvres créatives des auteurs sont de plus en plus utilisées par les plateformes en ligne et les organismes de diffusion pour protéger ou accroître leur part de marché, sans offrir de rémunération appropriée et proportionnelle pour cette utilisation accrue. Ainsi, Spotify a récemment annoncé l’intégration de livres audio dans ses abonnements payants. De même, les contenus audiovisuels diffusés gratuitement sur Auvio ne génèrent pas de rémunérations additionnelles significatives pour les réalisateurs et les scénaristes. Enfin, malgré la grande popularité des podcasts, les créateurs perçoivent aujourd’hui des droits d’auteur dérisoires pour leur succès.


«Nous appelons les décideurs politiques à tenir compte de la position socio-économique des créateurs lorsqu’ils élaborent leur législation. Ils sont le premier maillon de la chaîne de valeur et sans leur travail créatif, il n’y a tout simplement pas d’économie créative. Une juste rémunération pour leur travail créatif est donc essentielle pour préserver l’écosystème local,» conclut Steven De Keyser.

 

Lire le rapport sur l’étude de l’impact économique de l’IA sur les industries musicales et audiovisuelles.

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À propos de la Sabam

La Sabam est la société belge des auteur·e·s, compositeurs/trices et éditeurs/trices. Elle accompagne ses membres dans la valorisation de leurs droits et les soutient dans la création, la promotion et la diffusion de leurs œuvres en Belgique et à l’étranger. Active dans 5 disciplines artistiques (musique, cinéma & télévision, théâtre & danse, arts visuels et littérature), elle participe au développement de l’économie du secteur culturel et artistique. Elle représente également les droits d’auteur étrangers sur le territoire belge grâce à une étroite collaboration avec ses sociétés sœurs. En 2021, elle a réparti plus de 108 millions € en droits d’auteur et a soutenu presque 900 initiatives culturelles.

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